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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

seulement un péril, c’était un contre-sens politique : la France nouvelle est républicaine ; elle ne veut point de roi, du moins elle ne veut point un roi de la vieille race. Encore quelques années, nous verrons ce que deviendront nos libertés et ce que sera cette paix dont le monde se doit réjouir. Si l’on peut juger de la conduite du nouveau personnage élu, par ce que l’on connaît de son caractère, il est présumable que ce prince ne croira pouvoir conserver sa monarchie qu’en opprimant au dedans et en rampant au dehors.

Le tort réel de Louis-Philippe n’est pas d’avoir accepté la couronne (acte d’ambition dont il y a des milliers d’exemples et qui n’attaque qu’une institution politique) ; son véritable délit est d’avoir été tuteur infidèle, d’avoir dépouillé l’enfant et l’orphelin, délit contre lequel l’Écriture n’a pas assez de malédictions : or, jamais la justice morale (qu’on la nomme fatalité ou Providence, je l’appelle, moi, conséquence inévitable du mal) n’a manqué de punir les infractions à la loi morale.

Philippe, son gouvernement, tout cet ordre de choses impossibles et contradictoires, périra, dans un temps plus ou moins retardé par des cas fortuits, par des complications d’intérêts intérieurs et extérieurs, par l’apathie et la corruption des individus, par la légèreté des esprits, l’indifférence et l’effacement des caractères ; mais, quelle que soit la durée du régime actuel, elle ne sera jamais assez longue pour que la

    royauté de M. le duc de Bordeaux, avec M. le duc d’Orléans pour régent, eût été la solution la plus constitutionnelle et aussi la plus politique. » (Mélanges historiques et politiques, par M. Guizot, préface, p. xxiii.)