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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Messieurs les pairs et messieurs les députés,

« Aussitôt que les deux Chambres seront constituées, je ferai porter à votre connaissance l’acte d’abdication de S. M. le roi Charles X. Par ce même acte, Louis-Antoine de France, dauphin, renonce également à ses droits. Cet acte a été remis entre mes mains hier, 2 août, à onze heures du soir. J’en ordonne ce matin le dépôt dans les archives de la Chambre des pairs, et je le fais insérer dans la partie officielle du Moniteur. »

Par une misérable ruse et une lâche réticence, le duc d’Orléans supprime ici le nom de Henri V, en faveur duquel les deux rois avaient abdiqué. Si, à cette époque, chaque Français eût pu être consulté individuellement, il est probable que la majorité se fût prononcée en faveur de Henri V ; une partie des républicains même l’aurait accepté, en lui donnant La Fayette pour mentor. Le germe de la légitimité resté en France, les deux vieux rois allant finir leurs jours à Rome, aucune des difficultés qui entourent une usurpation et qui la rendent suspecte aux divers partis n’aurait existé[1]. L’adoption des cadets de Bourbon était non

  1. Ce que dit ici Chateaubriand, un des plus illustres serviteurs de la monarchie de Juillet le dira plus tard, à son tour : « C’eût été certainement un grand bien pour la France, a écrit M. Guizot, et, de sa part, un grand acte d’intelligence, comme de vertu politique, que sa résistance se renfermât dans les limites du droit monarchique et qu’elle ressaisît ses libertés sans renverser le gouvernement. On ne garantit jamais mieux le respect de ses propres droits qu’en respectant les droits qui les balancent ; et, quand on a besoin de la monarchie, il est plus sûr de la maintenir que de la fonder. » M. Guizot ajoute : « La