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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

s’arrêta à Trappes. Le Dauphin coucha dans une maison en arrière de ce village.

Le lendemain, 1er août, il partit pour Rambouillet, laissant les troupes bivouaquées à Trappes. Celles-ci levèrent leur camp à onze heures. Quelques soldats, étant allés acheter du pain dans les hameaux, furent massacrés.

Arrivée à Rambouillet, l’armée fut cantonnée autour du château.

Dans la nuit du 1er au 2 août, trois régiments de la grosse cavalerie reprirent le chemin de leurs anciennes garnisons. On croit que le général Bordesoulle[1], commandant la grosse cavalerie de la garde, avait fait sa capitulation à Versailles. Le 2e de grenadiers partit aussi le 2 au matin, après avoir renvoyé ses guidons chez le roi. Le Dauphin rencontra ces grenadiers déserteurs ; ils se formèrent en bataille pour rendre les honneurs au prince, et continuèrent leur chemin. Singulier mélange d’infidélité et de bienséance ! Dans cette révolution des trois journées, personne n’avait de passion ; chacun agissait selon l’idée qu’il s’était faite de son droit ou de son devoir : le droit conquis, le devoir rempli, nulle inimitié comme nulle affection ne restait ; l’un craignait que le droit ne l’entraînât

  1. Étienne Tardif de Pommeroux, comte de Bordesoulle (1771-1837). Il prit part à toutes les guerres de la Révolution et de l’Empire, se rallia en 1814 au gouvernement des Bourbons et suivit Louis XVIII à Gand. En 1823, nommé général en chef du corps de réserve à l’armée d’Espagne, il établit le blocus de Cadix et prit une grande part à la victoire du Trocadéro. Au retour de cette campagne, il fut élevé à la pairie. Il ne refusa pas le serment au gouvernement de Louis-Philippe, et resta à la Chambre haute jusqu’à sa mort.