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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Les vestes étaient aux postes d’honneur, les casquettes dans les salons, les blouses à table avec les princes et les princesses ; dans le conseil, des chaises, point de fauteuils ; la parole à qui la voulait ; Louis-Philippe, assis entre M. de La Fayette et M. Laffitte, les bras passés sur l’épaule de l’un et de l’autre, s’épanouissait d’égalité et de bonheur.

J’aurais voulu mettre plus de gravité dans la description de ces scènes qui ont produit une grande révolution, ou, pour parler plus correctement, de ces scènes par lesquelles sera hâtée la transformation du monde ; mais je les ai vues ; des députés qui en étaient les acteurs ne pouvaient s’empêcher d’une certaine confusion, en me racontant de quelle manière, le 31 juillet, ils étaient allés forger — un roi.

On faisait à Henri IV, non catholique, des objections qui ne le ravalaient pas et qui se mesuraient à la hauteur même du trône : on lui remontrait « que saint Louis n’avoit pas été canonisé à Genève, mais à Rome : que si le roi n’étoit catholique, il ne tiendroit pas le premier rang des rois en la chrétienté ; qu’il n’étoit pas beau que le roi priât d’une sorte et son peuple d’une autre ; que le roi ne pourroit être sacré à Reims et qu’il ne pourroit être enterré à Saint-Denis s’il n’étoit catholique. »

Qu’objectait-on à Philippe avant de le faire passer au dernier tour de scrutin ? On lui objectait qu’il n’était pas assez patriote.

Aujourd’hui que la révolution est consommée, on se regarde comme offensé lorsqu’on ose rappeler ce qui se passa au point de départ ; on craint de diminuer la solidité de la position qu’on a prise, et qui-