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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

le matin du 31 au bureau du National : lorsqu’ils surent qu’on avait nommé le duc d’Orléans lieutenant général du royaume, ils voulurent connaître les opinions de l’homme destiné à devenir leur roi malgré eux. Ils furent conduits au Palais-Royal par M. Thiers : c’étaient MM. Bastide[1], Thomas[2], Joubert[3], Cavai-

  1. Jules Bastide (1800-1870). Il avait arboré le premier, en juillet 1830, le drapeau tricolore au faîte des Tuileries. Après la Révolution de février, il fut ministre des affaires étrangères, du 28 février au 20 décembre 1848. Lors de sa nomination, on prêta à Marrast, son ancien collaborateur au National, ce mot qui a plusieurs fois servi depuis : « Bastide est étranger aux affaires : plaçons-le aux affaires étrangères. »
  2. Jacques-Léonard-Clément Thomas (1809-1871). Le 15 mai 1848, il fut nommé commandant en chef de la garde nationale de la Seine ; mais peu de semaines après, ayant, à la tribune de l’Assemblée nationale, appelé la croix de la Légion d’honneur un « hochet de la vanité », il fut interrompu, insulté, et dut donner sa démission de commandant. Lors du coup d’État de 1851, il tenta vainement de soulever la Gironde, qui l’avait élu représentant en 1848. Il fut exilé, refusa l’amnistie de 1859 et ne rentra qu’après le 4 septembre 1870. Nommé pendant le siège commandant supérieur des gardes nationales de la Seine, il adressa sa démission au général Trochu le 14 février 1871 et rentra dans la vie privée. Le 18 mars, dès le début de l’insurrection, reconnu et arrêté sur la place Pigalle par plusieurs gardes nationaux, il fut conduit au comité central de Montmartre, rue des Rosiers, et fusillé.
  3. C’est par Joubert et son ami Dugied que la Charbonnerie a été introduite en France. Impliqués l’un et l’autre dans la Conspiration du 19 août 1820, dite Conspiration militaire du Bazar, ils allèrent offrir leurs bras à la révolution de Naples et furent alors affiliés à la Société secrète qui enveloppait l’Italie. Dugied, qui en revint le premier, rapporta les règlements et ornements charbonniques, et se réunit à Bazard, Buchez, Flotard, Cariol aîné, Sigaud, Guinard, Corcelles fils, Sautelet et Rouen aîné, pour fonder, dans les derniers jours de 1820, l’association qui devait, pendant les années qui allaient suivre, exercer une si grande et si déplorable influence. Joubert fut, en 1822, un des principaux agents du complot de Belfort. Il réussit en-