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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

fit un roi. Singulier résultat de toute la vie du héros des Deux Mondes !

Et puis, plan ! plan ! la litière de Benjamin Constant et le cheval blanc de Louis-Philippe rentrèrent moitié hués, moitié bénis, de la fabrique politique de la Grève au Palais-Marchand. « Ce jour-là même, dit encore M. Louis Blanc (31 juillet), et non loin de l’Hôtel de Ville, un bateau placé au bas de la Morgue, et surmonté d’un pavillon noir, recevait des cadavres qu’on descendait sur des civières. On rangeait ces cadavres par piles en les couvrant de paille ; et, rassemblée le long des parapets de la Seine, la foule regardait en silence[1]. »

À propos des États de la Ligue et de la confection d’un roi, Palma-Cayet s’écrie : « Je vous prie de vous représenter quelle réponse eût pu faire ce petit bonhomme maître Matthieu Delaunay et M. Boucher, curé de Saint-Benoît, et quelque autre de cette étoffe, à qui leur eût dit qu’ils dussent être employés pour installer un roi en France à leur fantaisie ?… Les vrais Français ont toujours eu en mépris cette forme d’élire les rois qui les rend maîtres et valets tout ensemble. »

Philippe n’était pas au bout de ses épreuves ; il avait encore bien des mains à serrer, bien des accolades à recevoir ; il lui fallait encore envoyer bien des baisers, saluer bien bas les passants, venir bien des fois, au caprice de la foule, chanter la Marseillaise sur le balcon des Tuileries.

Un certain nombre de républicains s’étaient réunis

  1. Histoire de dix ans, par Louis Blanc, t. I, p. 350.