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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

La première se compose de ceux qui cherchent à marcher avec le temps et parmi lesquels se rangent Benvenuti et Oppizzoni[1]. Benvenuti[2] s’est rendu célèbre par l’extirpation du brigandage et sa mission à Ravenne après le cardinal Rivarola[3] ; Oppizzoni, archevêque de Bologne, s’est concilié les diverses opinions dans cette ville industrielle et littéraire, difficile à gouverner.

La seconde faction se forme des zelanti, qui tentent de rétrograder : un de leurs chefs est le cardinal Odescalchi.

Enfin la troisième faction comprend les immobiles, vieillards qui ne veulent ou ne peuvent aller ni en avant ni en arrière : parmi ces vieux on trouve le cardinal Vidoni, espèce de gendarme du traité de Tolentino : gros et grand, visage allumé, calotte de travers. Quand on lui dit qu’il a des chances à la papauté, il répond : Lo santo Spirito sarebbe dunque ubriaco ! Il plante des arbres à Ponte-Mole, où Constantin fit le monde chrétien. Je vois ces arbres lorsque je sors de Rome par la porte du Peuple pour rentrer par la porte Angélique. Du plus loin qu’il m’aperçoit, le cardinal me crie : Ah ! ah ! signor ambasciadore di Francia !

  1. Charles Oppizoni. Né à Milan le 15 avril 1769. — Archevêque de Bologne (20 septembre 1802). — Cardinal du titre de Saint-Laurent in Lucina (26 mars 1804). Il se montra l’un des plus courageux parmi les cardinaux noirs. Sauf le temps de son exil en France, sa vie se passa dans un long épiscopat, à Bologne, où il mourut fort âgé, en 1855.
  2. Jacques-Antoine Benvenuti (1765-1838). Nommé cardinal par Léon XII le 2 octobre 1826 ; légat a letere des Marches (1831).
  3. Augustin Rivarola (1758-1842). Il avait été gouverneur de Rome.