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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dans laquelle elle déclarait que les crimes de son pouvoir (de Charles X) étaient finis, et que le peuple aurait un gouvernement qui lui devrait (au peuple) son origine : phrase ambiguë qu’on pouvait interpréter comme on voulait. MM. Laffitte et Périer ne signèrent point cet acte. M. de La Fayette, alarmé un peu tard de l’idée de la royauté orléaniste, envoya M. Odilon Barrot[1] à la Chambre des députés annoncer que le peuple, auteur de la révolution de juillet, n’entendait pas la terminer par un simple changement de personnes, et que le sang versé valait bien quelques libertés. Il fut question d’une proclamation des députés afin d’inviter S. A. R. le duc d’Orléans à se rendre dans la capitale : après quelques communications avec l’Hôtel de Ville, ce projet de proclamation fut anéanti. On n’en tira pas moins au sort une députation de douze membres pour aller offrir au châtelain de Neuilly cette lieutenance générale qui n’avait pu trouver passage dans une proclamation.

Dans la soirée, M. le grand référendaire rassemble chez lui les pairs : sa lettre, soit négligence ou politique, m’arriva trop tard. Je me hâtai de courir au rendez-vous ; on m’ouvrit la grille de l’allée de l’Observatoire ; je traversai le jardin du Luxembourg : quand j’arrivai au palais, je n’y trouvai personne. Je refis le

  1. Hyacinthe-Camille-Odilon Barrot (1791-1873). Très royaliste en 1815, il avait monté la garde dans les appartements du roi, dans la nuit de son départ ; mais il se jeta bientôt dans l’opposition libérale. Préfet de la Seine, d’août 1830 à février 1831 ; député de 1830 à 1848 ; représentant du peuple, de 1848 au 2 décembre 1851 ; ministre et président du Conseil, du 20 décembre 1848 au 30 octobre 1849 ; président du conseil d’État, du 27 juillet 1872 à sa mort (6 août 1873). Ses Mémoires (4 vol. in-8o) ont paru en 1875.