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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

néral Sébastiani débute par sa phrase accoutumée : « Messieurs, c’est une grosse affaire. » Ensuite il fait l’éloge de la haute modération de M. le duc de Mortemart ; il parle des dangers de Paris, prononce quelques mots à la louange de S. A. R. monseigneur le duc d’Orléans, et conclut à l’impossibilité de s’occuper des ordonnances. Moi et M. Hyde de Neuville, nous fûmes les seuls d’un avis contraire. J’obtins la parole : « M. le duc de Broglie nous a dit, messieurs, qu’il s’est promené dans les rues, et qu’il a vu partout des dispositions hostiles : je viens aussi de parcourir Paris, trois mille jeunes gens m’ont rapporté dans la cour de ce palais ; vous avez pu entendre leurs cris : ont-ils soif de votre sang ceux qui ont ainsi salué l’un de vos collègues ? Ils ont crié : Vive la charte ! j’ai répondu : Vive le roi ! ils n’ont témoigné aucune colère et sont venus me déposer sain et sauf au milieu de vous. Sont-ce là des symptômes si menaçants de l’opinion publique ? Je soutiens, moi, que rien n’est perdu, que nous pouvons accepter les ordonnances. La question n’est pas de considérer s’il y a péril ou non, mais de garder les serments que nous avons prêtés à ce roi dont nous tenons nos dignités, et plusieurs d’entre nous leur fortune. Sa Majesté, en retirant les ordonnances et en changeant son ministère, a fait tout ce qu’elle a dû ; faisons à notre tour ce que nous devons. Comment ! dans tous le cours de notre vie, il se présente un seul jour où nous sommes obligés de descendre sur le champ de bataille, et nous n’accepterions pas le combat ? Donnons à la France l’exemple de l’honneur et de la loyauté ; empêchons-la de