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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Instruit à la réunion Laffitte de ce qui s’était fait à Saint-Cloud, M. Laffitte signa un laisser-passer pour M. de Mortemart, ajoutant que les députés assemblés chez lui l’attendraient jusqu’à une heure du matin. Le noble duc n’étant pas arrivé, les députés se retirèrent.

M. Laffitte, resté seul avec M. Thiers, s’occupa du duc d’Orléans et des proclamations à faire. Cinquante ans de révolution en France avaient donné aux hommes de pratique la facilité de réorganiser des gouvernements, et aux hommes de théorie l’habitude de ressemeler des chartes, de préparer les machines et les bers avec lesquels s’enlèvent et sur lesquels glissent ces gouvernements.

Cette journée du 29, lendemain de mon retour à Paris, ne fut pas pour moi sans occupation. Mon plan était arrêté : je voulais agir, mais je ne le voulais que sur un ordre écrit de la main du roi, et qui me donnât les pouvoirs nécessaires pour parler aux autorités du moment ; me mêler de tout et ne rien faire ne me convenait pas. J’avais raisonné juste, témoin l’affront essuyé par MM. d’Argout, Sémonville et Vitrolles.

J’écrivis donc à Charles X à Saint-Cloud. M. de Givré se chargea de porter ma lettre. Je priais le roi de m’instruire de sa volonté. M. de Givré revint les mains vides. Il avait remis ma lettre à M. le duc de Duras, qui l’avait remise au roi, lequel me faisait répondre qu’il avait nommé M. de Mortemart son premier ministre, et qu’il m’invitait à m’entendre avec lui. Le noble duc, où le trouver ? Je le cherchai vainement le 29 au soir.