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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

rues, prouve la rare intelligence des Français en révolution : de pareils hommes sont évidemment les chefs destinés à mener les autres peuples. Quel malheur qu’en nous délivrant d’une pareille anarchie, Bonaparte nous eût ravi la liberté !

Les députés s’étaient rassemblés chez M. Laffitte[1]. M. de La Fayette, reprenant 1789, déclara qu’il reprenait aussi le commandement de la garde nationale. On applaudit, et il se rendit à l’Hôtel de Ville. Les députés nommèrent une commission municipale composée de cinq membres, MM. Casimir Périer, Laffitte, de Lobau, de Schonen et Audry de Puyravault. M. Odilon Barrot fut élu secrétaire de cette commission, qui s’installa à l’Hôtel de Ville, comme avait fait M. de La Fayette. Tout cela siégea pêle-mêle auprès du gouvernement provisoire de M. Dubourg. M. Mauguin, envoyé en mission vers la commission, resta avec elle. L’ami de Washington fit enlever le drapeau noir arboré sur l’Hôtel de Ville par l’invention de M. Dubourg.

À huit heures et demie du soir débarquèrent de Saint-Cloud M. de Sémonville, M. d’Argout et M. de Vitrolles. Aussitôt qu’ils avaient appris à Saint-Cloud le rappel des ordonnances, le renvoi des anciens ministres et la nomination de M. Mortemart à la présidence du conseil, ils étaient accourus à Paris. Ils se présentèrent en qualité de mandataires du roi devant la commission municipale. M. Mauguin demanda au grand référendaire s’il avait des pouvoirs écrits ; le grand référendaire répondit qu’il n’y avait pas pensé. La négociation des officieux commissaires finit là.

  1. La rue où demeurait M. Laffitte, et qui allait bientôt porter son nom, s’appelait sous la Restauration la rue d’Artois.