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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

du café où il est tombé ; une manufacture de betteraves existe aujourd’hui aux Thermopyles. Les Suisses eurent trois ou quatre soldats tués ou blessés : ce peu de morts s’est changé en une effroyable boucherie.

Le peuple entra dans les Tuileries avec MM. Thomas, Bastide, Guinard, par le guichet du Pont-Royal. Un drapeau tricolore fut planté sur le pavillon de l’Horloge, comme au temps de Bonaparte, apparemment en mémoire de la liberté. Des meubles furent déchirés, des tableaux hachés de coups de sabre ; on trouva dans des armoires le journal des chasses du roi et les beaux coups exécutés contre les perdrix : vieil usage des gardes-chasse de la monarchie. On plaça un cadavre sur le trône vide, dans la salle du Trône : cela serait formidable si les Français, aujourd’hui, ne jouaient continuellement au drame. Le musée d’artillerie, à Saint-Thomas-d’Aquin, était pillé, et les siècles passaient le long du fleuve, sous le casque de Godefroy de Bouillon, et avec la lance de François Ier.

Alors le duc de Raguse quitta le quartier général, abandonnant cent vingt mille francs en sacs. Il sortit par la rue de Rivoli et rentra dans le jardin des Tuileries. Il donna l’ordre aux troupes de se retirer, d’abord aux Champs-Élysées, et ensuite jusqu’à l’Étoile. On crut que la paix était faite, que le Dauphin arrivait ; on vit quelques voitures des écuries et un fourgon

    soldats faisaient un feu nourri dans la rue de Rohan, du haut d’un balcon qui était à l’angle de cette rue et de la rue Saint-Honoré. Farcy, qui débouchait au coin de la rue de Rohan et de celle de Montpensier, tomba l’un des premiers, atteint du haut en bas d’une balle dans la poitrine. — Ses amis ont publié, en 1831, sous le titre de Reliquiæ, le recueil des vers et opuscules de Farcy.