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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

1793, Paris était accoutumé à voir passer les événements et les rois.

Tandis que, au rapport des royalistes, tout allait si bien, on annonce la défection du 5e et du 53e de ligne qui fraternisaient avec le peuple.

Le duc de Raguse fit proposer une suspension d’armes : elle eut lieu sur quelques points et ne fut pas exécutée sur d’autres. Le maréchal avait envoyé chercher un des deux bataillons suisses stationnés dans le Louvre. On lui dépêcha celui des deux bataillons qui garnissait la colonnade. Les Parisiens, voyant cette colonnade déserte, se rapprochèrent des murs et entrèrent par les fausses portes qui conduisent du jardin de l’Infante dans l’intérieur ; ils gagnèrent les croisées et firent feu sur le bataillon arrêté dans la cour. Sous la terreur du souvenir du 10 août, les Suisses se ruèrent du palais et se jetèrent dans leur troisième bataillon placé en présence des postes parisiens, mais avec lequel la suspension d’armes était observée. Le peuple, qui du Louvre avait atteint la galerie du Musée, commença de tirer du milieu des chefs-d’œuvre sur les lanciers alignés au Carrousel. Les postes parisiens, entraînés par cet exemple, rompirent la suspension d’armes. Précipités sous l’Arc de Triomphe, les Suisses poussent les lanciers au portique du pavillon de l’Horloge et débouchent pêle-mêle dans le jardin des Tuileries. Le jeune Farcy fut frappé à mort dans cette échauffourée[1] : son nom est inscrit au coin

  1. Jean-George Farcy (1800-1830). Ancien élève de l’École normale, disciple et ami de Victor Cousin, il avait traduit le troisième volume des Éléments de la Philosophie de l’Esprit humain, par Dugald Stewart (1825). Le 29 juillet, il se porta avec les attaquants vers le Louvre, du côté du Carrousel ; les