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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ville les galériens pour honorer sa patrie. Spoleto osa résister à Annibal. Elle montre plusieurs ouvrages de Lippi l’ancien, qui, nourri dans le cloître, esclave en Barbarie, espèce de Cervantes chez les peintres, mourut à soixante ans passés du poison que lui donnèrent les parents de Lucrèce, séduite par lui, croyait-on. »

« Civita Castellana.

« À Monte-Lupo, le comte Potocki s’ensevelit dans des laures charmantes ; mais les pensées de Rome ne l’y suivirent-elles point ? Ne se croyait-il pas transporté au milieu des chœurs des jeunes filles ? Et moi aussi, comme saint Jérôme, « j’ai passé, dans mon temps, le jour et la nuit à pousser des cris, à frapper ma poitrine jusqu’au moment où Dieu me renvoyait la paix. » Je regrette de ne plus être ce que j’ai été, plango me non esse quod fuerim.

« Après avoir dépassé les ermitages de Monte-Lupo, nous avons commencé à contourner la Somma. J’avais déjà suivi ce chemin dans mon premier voyage de Florence à Rome par Pérouse, en accompagnant une femme mourante…

« À la nature de la lumière et à une sorte de vivacité du paysage, je me serais cru sur une des croupes des Alleghanis, n’était qu’un haut aqueduc,

    italiens « mols et paresseux par nature, » comme du temps de Montaigne ; mais quand, au lieu de précéder une calèche diplomatique, il portait lui-même la dépêche de bidet en bidet, sa course tenait du vol de l’oiseau, et il se surpassait lui-même dès qu’il allait annoncer un pape, à l’Europe impatiente ; il a fallu l’invention du télégraphe pour éclipser sa renommée. »