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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

aux Invalides. Quand il vit l’affaire mal engagée, il proposa de recevoir les régiments dans l’édifice de Louis XIV ; il assurait qu’il les pouvait nourrir, et défiait les Parisiens de le forcer. Il n’avait pas impunément laissé ses membres sur les champs de bataille de l’Empire, et les redoutes de Borodino savaient qu’il tenait parole. Mais qu’importaient l’expérience et le courage d’un vétéran mutilé ? On n’écouta point ses conseils.

Sous le commandement du comte de Saint-Chamans[1], la première colonne de la garde partit de la Madeleine pour suivre les boulevards jusqu’à la Bastille. Dès les premiers pas, un peloton que commandait M. Sala[2] fut attaqué ; l’officier royaliste repoussa

    au désespoir : « Qu’as-tu donc à pleurer ? dit Latour-Maubourg ; tu n’auras plus qu’une botte à cirer. » Pair de France (4 juin 1814), ministre de la guerre (9 novembre 1819−14 décembre 1821), il était devenu gouverneur des Invalides en 1822, après la mort du maréchal de Coigny. Après les journées de Juillet, il donna sa démission de pair, se retira à Melun, puis alla rejoindre les Bourbons en exil. Gouverneur du duc de Bordeaux en 1835, il ne rentra en France qu’en 1848.

  1. Alfred-Armand-Robert, comte de Saint-Chamans (1781-1848). Engagé comme cavalier au 9e régiment de dragons, le 1er octobre 1801, colonel le 19 mai 1811, maréchal de camp et colonel du régiment des dragons de la garde royale le 8 septembre 1815, inspecteur de cavalerie le 19 juin 1822, commandant la 1re brigade de la 2e division de cavalerie de la garde royale en Espagne le 3 décembre 1823, admis au traitement de réforme par décret du 17 septembre 1830. Ses Mémoires ont été publiés en 1896.
  2. Alexandre Sala, officier au 6e régiment d’infanterie de la garde. Il a publié sous ce titre : Dix jours de 1830, une relation des événements auxquels il avait assisté. En 1832, il était avec la duchesse de Berry sur le Carlo-Alberto ; traduit de ce chef devant la Cour d’assises de Montbrison, il fut acquitté. En 1848, il fonda, avec Alfred Nettement et Armand de Pontmartin, l’Opi-