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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de ma fille, Leonora Montana, filia unica ; je n’ai jamais désiré me survivre ; mais pourtant une fille, et qui porterait le nom de Léonore ! »

« Spoleto.

« Après avoir quitté Lorette, passé Macerata, laissé Tolentino qui marque un pas de Bonaparte et rappelle un traité[1], j’ai gravi les derniers redans de l’Apennin. Le plateau de la montagne est humide et cultivé comme une houblonnière. À gauche étaient les mers de la Grèce, à droite celles de l’Ibérie ; je pouvais être pressé du souffle des brises que j’avais respirées à Athènes et à Grenade. Nous sommes descendus vers l’Ombrie en circulant dans les volutes des gorges exfoliées, où sont suspendus dans des bouquets de bois les descendants de ces montagnards qui fournirent des soldats à Rome après la bataille de Trasimène.

« Foligno possédait une Vierge de Raphaël qui est aujourd’hui au Vatican. Vene, dans une position charmante, est à la source du Clitumne. Le Poussin a reproduit ce site chaud et suave ; Byron l’a froidement chanté[2].

« Spoleto a donné le jour au pape actuel. Selon mon courrier Giorgini[3], Léon XII a placé dans cette

  1. Traité du 19 février 1797, signé entre Bonaparte et Pie VI. Ce dernier renonçait au Comtat Venaissin, abandonnait Bologne, Ferrare et les Légations, et rachetait par des contributions considérables les autres territoires qu’occupait l’armée française.
  2. Pèlerinage de Childe-Harold, chant IV.
  3. « Giorgini fut aussi mon courrier, dit M. de Marcellus (Chateaubriand et son temps, p. 331), avant de passer au service plus lucratif de l’ambassadeur. Il était la terreur des postillons