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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de courage devrait rougir d’attaquer. Faisons un marché : ne vous en prenez plus à quelques vieillards faibles que le trône et le sanctuaire protègent à peine ; je vous livre en échange ma personne. Attaquez-moi soir et matin ; dites de moi tout ce que vous voudrez, jamais je ne me plaindrai ; je vous saurai gré de votre attaque légitime et constitutionnelle contre le ministre, en mettant à l’écart le roi. »

M. Coste m’a conservé de cette entrevue un souvenir d’estime.

Une parade constitutionnelle eut lieu au bureau du Temps entre M. Baude et un commissaire de police[1].

Le procureur du roi de Paris[2] décerna quarante-quatre mandats d’amener contre les signataires de la protestation des journalistes.

Vers deux heures, la fraction monarchique de la révolution se réunit chez M. Périer[3], comme on en était convenu la veille : on ne conclut rien. Les députés s’ajournèrent au lendemain, 28, chez M. Audry de Puyravault. M. Casimir Périer, homme d’ordre et de

  1. Lorsque le commissaire de police se présenta aux bureaux du Temps, dans la rue de Richelieu, pleine à ce moment d’une foule curieuse et inquiète, M. Baude refusa d’ouvrir les portes de l’imprimerie. Un serrurier est requis ; M. Baude lui lit à haute voix l’article 384 du Code pénal, qui punit des travaux forcés le vol par effraction. L’ouvrier intimidé se retire. Le commissaire menace alors M. Baude de le faire arrêter ; celui-ci rouvre son Code et lit l’article 341, qui punit des travaux forcés l’arrestation arbitraire. À un second serrurier, requis pour remplacer le premier, il relit l’article 384, et, cette fois encore, l’ouvrier se retire. La lutte se prolongea ainsi longtemps ; il fallut recourir au serrurier chargé de river les fers des forçats.
  2. M. Billot.
  3. Rue Neuve-du-Luxembourg, no 27.