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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

En 1823, M. Coste dirigeait les Tablettes historiques[1] : accusé par ses collaborateurs d’avoir vendu ce journal, il se battit et reçut un coup d’épée. M. Coste[2] me fut présenté au ministère des affaires étrangères ; en causant avec lui de la liberté de la presse, je lui dis : « Monsieur, vous savez combien j’aime et respecte cette liberté ; mais comment voulez-vous que je la défende auprès de Louis XVIII, quand vous attaquez tous les jours la royauté et la religion ! Je vous supplie, dans votre intérêt et pour me laisser ma force entière, de ne plus saper des remparts aux trois quarts démolis, et qu’en vérité un homme

  1. Le titre exact du journal que dirigeait M. Coste en 1823 était celui-ci : Tablettes universelles, ou Répertoire de documents historiques, politiques, scientifiques et littéraires, avec une Bibliographie raisonnée. Le bulletin politique était fait par M. Thiers, qui signait ***. Les autres rédacteurs étaient MM. Cauchois-Lemaire, Coquerel, Dubois, Mahul, Dumon, Rabbe, Charles de Rémusat. Théodore Jouffroy, Damiron, etc. Au mois de janvier 1824, M. Coste, obéré par les frais de son journal, écrasé par les amendes, et d’ailleurs récemment condamné à un an de prison, vendit les Tablettes à M. Sosthène de la Rochefoucauld, qui poursuivait alors, avec les fonds de la liste civile, et aussi parfois avec ses propres fonds, sa campagne d’amortissement des journaux. Un des rédacteurs, M. Rabbe, adressa à M. Coste une lettre fort dure, qui fut insérée dans le Courrier français et amena un duel entre les deux écrivains.
  2. Jacques Coste (1798-1859). S’il avait vendu son journal, les Tablettes universelles, M. Coste n’en restait pas moins l’adversaire résolu et déclaré du gouvernement de la Restauration. Le 15 octobre 1829, il fonda le Temps, « journal des progrès politiques, scientifiques, littéraires et industriels », qui ne contribua pas moins que le National à préparer la révolution de 1830. Ce journal subsista jusqu’au 17 juin 1842, Son titre a été repris, le 1er mars 1849, par M. Xavier Durrieu, et en 1861 par M. A. Nefftzer. Le Temps de M. Durrieu ne vécut que dix mois, mais celui de M. Nefftzer aura bientôt atteint la quarantaine.