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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Dans ma rue[1], mes voisins me virent arriver avec plaisir : je leur semblais une protection pour le quartier. Madame de Chateaubriand était à la fois bien aise et alarmée de mon retour.

Le jeudi matin, 29 juillet, j’écrivis à madame Récamier, à Dieppe, cette lettre prolongée par des post-scriptum :

« Jeudi matin, 29 juillet 1830.

« Je vous écris sans savoir si ma lettre vous arrivera, car les courriers ne partent plus.

« Je suis entré dans Paris au milieu de la canonnade, de la fusillade et du tocsin. Ce matin, le tocsin sonne encore, mais je n’entends plus les coups de fusil ; il paraît qu’on s’organise, et que la résistance continuera tant que les ordonnances ne seront pas rappelées. Voilà le résultat immédiat (sans parler du résultat définitif) du parjure dont les ministres ont donné le tort, du moins apparent, à la couronne !

« La garde nationale, l’École polytechnique, tout s’en est mêlé. Je n’ai encore vu personne. Vous jugez dans quel état j’ai trouvé madame de Chateaubriand. Les personnes qui, comme elle, ont vu le 10 août et le 2 septembre, sont restées sous l’impression de la terreur. Un régiment, le 5e de ligne, a déjà passé du côté de la charte. Certainement M. de Polignac est bien coupable ; son incapacité est une mauvaise excuse ; l’ambition dont on n’a pas les talents est un crime. On dit la cour à Saint-Cloud, et prête à partir.

  1. Chateaubriand demeurait alors rue d’Enfer, no 84.