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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

prononça ces mots du ton d’un homme qui, habituellement timide et doux, se trouve par hasard en colère, s’anime au son de sa voix : plus les paroles étaient fortes, plus la faiblesse des résolutions apparaissait derrière[1].

L’adresse en réponse fut rédigée par MM. Étienne et Guizot. Elle disait : « Sire, la charte consacre comme un droit l’intervention du pays dans la délibération des intérêts publics. Cette intervention fait du concours permanent des vues de votre gouvernement avec les vœux du peuple la condition indispensable de la marche régulière des affaires publiques. Sire, notre loyauté, notre dévouement, nous condamnent à vous dire que ce concours n’existe pas. »

  1. Charles X avait annoncé, dans son discours, l’expédition d’Alger, déclarant que l’insulte faite au pavillon français par une puissance barbaresque ne resterait pas longtemps impunie et qu’une réparation éclatante allait satisfaire l’honneur de la France. Le soir, quelques amis, parmi lesquels M. Villemain, étaient réunis dans le salon de Chateaubriand : « Voilà, leur dit-il, de ces choses qui appartiennent à la tradition de l’ancienne France, à l’hérédité de Saint Louis et de Louis XIV ; voilà ce que fait la royauté légitime. Dans sa crise actuelle, avec ses misérables instruments, malgré ses peurs exagérées, je le veux, elle conçoit une entreprise généreuse et chrétienne, ce que je conseillais dès 1816, ce qu’elle aurait fait plus tard, avec moi, si elle avait eu le bon sens de me garder. Oui, cet Alger, que Bossuet nous montre foudroyé par nos galiotes à bombes, et qui ne sauva son port qu’en nous rendant des captifs chrétiens, peut tomber dans nos mains, cet été. Nous ferons mieux que lord Exmouth. Rien ne m’étonne de la valeur française. Seulement, cela me ravit sans me rassurer. Qui connaît les abîmes de la Providence ? Elle peut du même coup abattre le vainqueur à côté du vaincu, agrandir un royaume et renverser une dynastie. » Villemain, M. de Chateaubriand, sa vie, ses écrits, son influence littéraire et politique sur son temps, p. 447.