Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Ils n’étaient plus ces temps où Catherine de Médicis sollicitait du Turc l’investiture de la principauté d’Alger pour Henri III, non encore roi de Pologne ! Alger allait devenir notre fille et notre conquête, sans la permission de personne, sans que l’Angleterre osât nous empêcher de prendre ce château de l’Empereur, qui rappelait Charles-Quint et le changement de sa fortune. C’était une grande joie et un grand bonheur pour les spectateurs français assemblés de saluer, du salut de Bossuet, les généreux vaisseaux prêts à rompre de leur proue la chaîne des esclaves ; victoire agrandie par ce cri de l’aigle de Meaux, lorsqu’il annonçait le succès de l’avenir au grand roi, comme pour le consoler un jour dans sa tombe de la dispersion de sa race :

« Tu céderas ou tu tomberas sous ce vainqueur, Alger, riche des dépouilles de la chrétienté. Tu disais en ton cœur avare : Je tiens la mer sous mes lois et les nations sont ma proie. La légèreté de tes vaisseaux te donnait de la confiance, mais tu te verras attaqué dans tes murailles comme un oiseau ravissant qu’on irait chercher parmi ses rochers et dans son nid, où il partage son butin à ses petits. Tu rends déjà tes esclaves. Louis a brisé les fers dont tu accablais ses sujets, qui sont nés pour être libres sous son glorieux empire. Les pilotes étonnés s’écrient par avance : Qui est semblable à Tyr ? Et toutefois elle s’est tue dans le milieu de la mer[1]. »

Paroles magnifiques, n’avez-vous pu retarder l’écroulement du trône ? Les nations marchent à leurs

  1. Oraison funèbre de la reine Marie-Thérèse, prononcée le 1er septembre 1683.