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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Des deux côtés on se préparait à la guerre : le parti du ministère faisait paraître des brochures ironiques contre le Représentatif ; l’opposition s’organisait et parlait de refuser l’impôt en cas de violation de la charte. Il se forma une association publique pour résister au pouvoir, appelée l’Association bretonne[1] : mes compatriotes ont souvent pris l’initiative dans nos dernières révolutions ; il y a dans les têtes bretonnes quelque chose des vents qui tourmentent les rivages de notre péninsule.

Un journal, composé dans le but avoué de renverser l’ancienne dynastie[2], vint échauffer les esprits. Le jeune et beau libraire Sautelet[3], poursuivi de la

    général à Limoges en 1822, à Grenoble en 1826, il fut appelé en 1829 à remplacer au parquet de la cour royale de Lyon M. de Courvoisier, qui venait d’être nommé garde des sceaux. Le 2 mars 1830, il fut nommé député de Maine-et-Loire. Il venait d’être réélu le 19 juillet, lorsque parurent les Ordonnances. Arrêté à Tours le 25 août, il fut condamné par la Cour des pairs à la prison perpétuelle et enfermé à Ham, où il resta jusqu’à l’amnistie de 1836. Il se retira alors au château de Ranville (Calvados), où il est mort le 30 novembre 1866.

  1. Le Journal du Commerce, dans son numéro du 11 septembre 1829, publia, sous ce titre : Association bretonne, le Prospectus d’une Société dont les membres s’engageaient à ne plus payer l’impôt dans le cas où les formes constitutionnelles viendraient à être violées. Le Courrier français reproduisit l’article du Journal du Commerce. Les gérants des deux journaux furent condamnés, en première instance, le 27 novembre 1829, à un mois de prison et 500 francs d’amende. Ce jugement fut confirmé par la Cour royale de Paris le 11 mars 1830.
  2. Le National, dont le premier numéro parut le 3 janvier 1830. Il fut fondé par MM. Thiers, Mignet et Armand Carrel. Chacun d’eux devait prendre la direction pour une année. M. Thiers commença.
  3. Le libraire Sautelet se suicida, en effet, peu de mois après la fondation du National. Armand Carrel publia, à cette occa-