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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Les journées de juillet ayant trouvé M. Guizot député, il en est résulté que je suis devenu en partie la cause de son élévation politique : la prière de l’humble est quelquefois écoutée du ciel.

Les premiers collègues de M. de Polignac furent MM. de Bourmont[1], de La Bourdonnaye, de Chabrol,

  1. Louis-Auguste-Victor de Ghaisne, comte de Bourmont (1773-1846). Après avoir commandé, de 1794 à 1799, les Chouans du Maine et de l’Anjou, il déposa les armes le 4 février 1800. Arrêté à la suite de l’explosion de la machine infernale (21 décembre 1800) et enfermé dans la citadelle de Besançon, il réussit à s’évader, à la fin de 1804, et à gagner Lisbonne. En 1808, lorsque l’armée du général Junot, qui avait envahi le Portugal, se trouva réduite à une situation désespérée, Bourmont offrit ses services au général, qui les accepta, et il fit à la bataille de Vimeiro des prodiges de valeur. Rentré en France, il fut envoyé par Napoléon à l’armée d’Italie, et fut attaché à l’état-major du prince Eugène. Pendant les campagnes de Russie, de Saxe et de France, il se distingua par ses talents non moins que par son courage ; il se signala notamment à la défense du pont de Nogent-sur-Seine (février 1814) et y gagna le grade de général de division. Pendant les Cent-Jours, il se prononça par écrit contre l’Acte additionnel et attendit sa révocation. Elle ne vint pas, et, lorsque l’armée française franchit la frontière de Belgique, il était à la tête d’une des divisions du 4e corps, commandé par le général Gérard. Le 14 juin 1815, il annonça au général Hulot, le plus ancien de ses commandants de brigade, qu’il s’absenterait le lendemain ; il lui confia tous les ordres et instructions relatifs aux troupes, lui indiqua l’emplacement de tous les postes, réunit la division et la lui laissa sous les armes. Le 15 au matin, il faisait remettre au général Gérard une lettre où il lui disait ; « On ne me verra pas dans les rangs des étrangers ; ils n’auront de moi aucun renseignement capable de nuire à l’armée française, composée d’hommes que j’aime et auxquels je ne cesserai de prendre un vif intérêt. » Cet engagement fut tenu, et il résulte des événements mêmes qui signalèrent le début de la campagne, que Bourmont et les officiers qui l’accompagnaient gardèrent un silence absolu sur tout ce qui concernait l’armée française. Bourmont n’a donc pas trahi, mais il a commis un acte que l’impar-