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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la gloire de ma vie. En terminant la haute mission que j’avais l’honneur de remplir auprès d’elle, je viens lui témoigner les vifs regrets dont je ne cesserai d’être pénétré. Il ne me reste, très-saint-père, qu’à mettre à vos pieds sacrés ma sincère reconnaissance pour vos bontés, et à vous demander votre bénédiction apostolique.

« Je suis, avec la plus grande vénération et le plus profond respect,

« De Votre Sainteté
« Le très-humble et très-obéissant serviteur,
« Chateaubriand. »

J’achevai pendant plusieurs jours de me déchirer les entrailles dans mon Utique ; j’écrivis des lettres pour démolir l’édifice que j’avais élevé avec tant d’amour. Comme dans la mort d’un homme ce sont les petits détails, les actions domestiques et familières qui touchent, dans la mort d’un songe les petites réalités qui le détruisent sont plus poignantes. Un exil éternel sur les ruines de Rome avait été ma chimère. Ainsi que Dante, je m’étais arrangé pour ne plus rentrer dans ma patrie. Ces élucidations testamentaires n’auront pas, pour les lecteurs de ces Mémoires, l’intérêt qu’elles ont pour moi. Le vieil oiseau tombe de la branche où il se réfugie ; il quitte la vie pour la mort. Entraîné par le courant, il n’a fait que changer de fleuve.