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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

faiblesse. Qu’importe si je n’en ai pas moins accepté et tenu le cartel que m’envoyait la fortune ? Je ne revins pas vite, afin de laisser les jours s’écouler. Je dépelotonnai lentement le fil de cette route que j’avais remontée avec tant d’allégresse, il y avait à peine quelques semaines.

Le prince de Polignac craignait ma démission. Il sentait qu’en me retirant je lui enlèverais aux Chambres des votes royalistes, et que je mettrais son ministère en question. On lui suggéra la pensée de m’envoyer une estafette aux Pyrénées avec ordre du roi de me rendre immédiatement à Rome, pour recevoir le roi et la reine de Naples qui venaient marier leur fille en Espagne[1]. J’aurais été fort embarrassé si j’avais reçu cet ordre. Peut-être me serais-je cru obligé d’y obéir,

    qui ont été exécutés dans cette sérénade improvisée, on a surtout remarqué la délicieuse romance du Dernier des Abencerages : Combien j’ai douce souvenance ! M. de Chateaubriand s’est rendu à l’empressement dont il était l’objet, et s’est montré à l’une des fenêtres. Des acclamations l’ont aussitôt accueilli et il y a répondu par ces paroles : « Messieurs, je suis extrêmement sensible à l’honneur que vous voulez bien me faire ; je ne reconnais le mériter que par mon amour pour mon pays. Il était tout naturel que la ville qui a vu naître Henri IV ait bien voulu se souvenir de mon dévouement aux descendants de cet illustre roi. » De nouvelles acclamations se sont fait entendre et la foule s’est ensuite paisiblement dispersée. — M. de Chateaubriand est parti ce matin à neuf heures pour Paris. » (Mémorial des Pyrénées.)

  1. Marie-Christine de Bourbon (1806-1878). Elle était la seconde fille des onze enfants de François Ier, roi des Deux-Siciles, et de sa seconde femme, Marie-Isabelle, infante d’Espagne. Elle épousa, le 11 décembre 1829, le roi Ferdinand VII, déjà trois fois veuf, et elle eut sur lui assez d’empire pour lui faire promulguer, le 29 mars 1830, la pragmatique Siete partidas qui supprimait la loi salique et dépossédait de ses droits au trône don Carlos, frère du roi.