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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Et, chose étrange ! dans cette ardeur généreuse à me pousser dehors, les hommes qui me signifiaient leur volonté n’étaient ni mes amis réels, ni les copartageants de mes opinions politiques. Je devais m’immoler sur-le-champ au libéralisme, à la doctrine qui m’avait continuellement attaqué ; je devais courir le risque d’ébranler le trône légitime, pour mériter l’éloge de quelques poltrons d’ennemis, qui n’avaient pas le courage entier de mourir de faim.

J’allais me trouver noyé dans une longue ambassade ; les fêtes que j’avais données m’avaient ruiné, je n’avais pas payé les frais de mon premier établissement. Mais ce qui me navrait le cœur, c’était la perte de ce que je m’étais promis de bonheur pour le reste de ma vie.

Je n’ai point à me reprocher d’avoir octroyé à personne ces conseils catoniens qui appauvrissent celui qui les reçoit et non celui qui les donne ; bien convaincu que ces conseils sont inutiles à l’homme qui n’en a point le sentiment intérieur. Dès le premier moment, je l’ai dit, ma résolution fut arrêtée ; elle ne me coûta pas à prendre, mais elle fut douloureuse à exécuter. Lorsqu’à Lourdes, au lieu de tourner au midi et de rouler vers l’Italie, je pris le chemin de Pau[1], mes yeux se remplirent de larmes ; j’avoue ma

  1. On lit, dans le Moniteur du 27 août 1829 : « On écrit de Pau le 20 août : — « M. le vicomte de Chateaubriand est arrivé hier à Pau. L’illustre auteur du Génie du Christianisme a visité une partie de la ville et longtemps contemplé le château de Henri IV. Vers neuf heures, une sérénade a été donnée au noble pair par les musiciens de la ville. Une foule considérable couvrait la cour de l’hôtel de France et les allées attenantes de la place Royale. Un grand nombre de citoyens ont été admis dans les appartements du noble vicomte. Parmi les morceaux