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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

rer encore du petit palais Caffarelli que je projetais de louer sur le Capitole, et de la cellule que je postulais à Saint-Onuphre. J’achetai des chevaux anglais et je les fis partir pour les prairies d’Évandre. Je disais déjà adieu dans ma pensée à ma patrie avec une joie qui méritait d’être punie. Lorsqu’on a voyagé dans sa jeunesse et qu’on a passé beaucoup d’années hors de son pays, on s’est accoutumé à placer partout sa mort : en traversant les mers de la Grèce, il me semblait que tous ces monuments que j’apercevais sur les promontoires étaient des hôtelleries où mon lit était préparé.

J’allai faire ma cour au roi à Saint-Cloud : il me demanda quand je retournais à Rome. Il était persuadé que j’avais un bon cœur et une mauvaise tête. Le fait est que j’étais précisément l’inverse de ce que Charles X pensait de moi : j’avais très froide et très bonne tête, et le cœur cahin-caha pour les trois quarts et demi du genre humain.

Je trouvai le roi dans une fort mauvaise disposition à l’égard de son ministère : il le faisait attaquer par certains journaux royalistes, ou plutôt, lorsque les rédacteurs de ces feuilles allaient lui demander s’il ne les trouvait pas trop hostiles, il s’écriait : « Non, non, continuez. » Quand M. de Martignac avait parlé : « Eh bien, disait Charles X, avez-vous entendu la Pasta ? » Les opinions libérales de M. Hyde de Neuville lui étaient antipathiques ; il trouvait plus de complaisance dans M. Portalis le fédéré, qui portait sa cupidité sur son visage : c’est à M. Portalis que la France doit ses malheurs. Quand je le vis à Passy, je m’aperçus de ce que j’avais en partie deviné : le garde