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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

relli[1] ; à Saint-Onuphre je me suis ménagé une autre retraite. En attendant mon départ et mon retour, je ne cesse d’errer dans la campagne ; il n’y a pas de petit chemin entre deux haies que je ne connaisse mieux que les sentiers de Combourg. Du haut du mont Marius et des collines environnantes, je découvre l’horizon de la mer vers Ostie ; je me repose sous les légers et croulants portiques de la villa Madama. Dans ces architectures changées en fermes je ne trouve souvent qu’une jeune fille sauvage, effarouchée et grimpante comme ses chèvres. Quand je sors par la Porta Pia, je vais au pont Lamentano sur le Teverone ; j’admire, en passant à Sainte-Agnès, une tête de Christ par Michel-Ange, qui garde le couvent presque abandonné. Les chefs-d’œuvre des grands maîtres ainsi semés dans le désert remplissent l’âme d’une mélancolie profonde. Je me désole qu’on ait réuni les tableaux de Rome dans un musée ; j’aurais bien plus de plaisir par les pentes du Janicule, sous la chute de l’Aqua Paola, au travers de la rue solitaire delle Fornaci, à chercher la Transfiguration dans le monastère des Récollets de Saint-Pierre in

  1. Le 29 avril 1829, Chateaubriand écrivait, de Rome, à M. de Marcellus :

    « Vous m’avez vu regretter Londres au moment de partir pour Vérone. Aujourd’hui, à la veille de partir pour la France, je regrette Rome. J’ai le congé que j’avais demandé, et me sens peu disposé à m’en servir. Si Mme de Chateaubriand veut aller à Paris toute seule, je pourrais bien passer ici mon été. Je traite pour cela avec M. Bunsen, le ministre de Prusse, la cession de son logement au Capitole. Qu’irais-je voir chez nous ? Le tumulte des antichambres, peut-être des rues ; des luttes de vanité. Après mon conclave et son tapage, j’ai repris goût aux ruines et à la solitude.

    « Chateaubriand. »