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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Enfin, un bois, création des Français, s’élève aujourd’hui à l’orient du Colisée ; on n’y rencontre jamais personne : quoiqu’il ait grandi, il a l’air d’une broussaille croissant au pied d’une haute ruine.

Pline le jeune écrivait à Maxime :

« On vous envoie dans la Grèce, où la politesse, les lettres, l’agriculture même, ont pris naissance. Respectez les dieux leurs fondateurs, la présence de ces dieux ; respectez l’ancienne gloire de cette nation, et la vieillesse, sacrée dans les villes comme elle est vénérable dans les hommes ; faites honneur à leurs antiquités, à leurs exploits fameux, à leurs fables même. N’entreprenez rien sur la dignité, sur la liberté, ni même sur la vanité de personne. Ayez continuellement devant les yeux que nous avons puisé notre droit dans ce pays ; que nous n’avons pas imposé des lois à ce peuple après l’avoir vaincu, mais qu’il nous a donné les siennes après l’en avoir prié. C’est à Athènes, c’est à Lacédémone que vous devez commander ; il y aurait de l’inhumanité, de la cruauté, de la barbarie, à leur ôter l’ombre et le nom de liberté qui leur restent. »

Lorsque Pline écrivait ces nobles et touchantes paroles à Maxime, savait-il qu’il rédigeait des instructions pour des peuples alors barbares, qui viendraient un jour dominer sur les ruines de Rome ?

Je vais bientôt quitter Rome, et j’espère y revenir. Je l’aime de nouveau passionnément, cette Rome si triste et si belle : j’aurai un panorama au Capitole, où le ministre de Prusse me cédera le petit palais Caffa-