Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.
207
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

fallait un peu songer à qui on s’adressait, et M. Portalis en aura été averti par un mot de réponse que je lui ai envoyé ces jours derniers. Il est possible qu’il n’ait fait que signer sans lire, comme Carnot signait de confiance des centaines d’exécutions à mort. »

L’ami du grand L’Hôpital, le chancelier Olivier, dans sa langue du xvie siècle, laquelle bravait l’honnêteté, compare les Français à des guenons qui grimpent au sommet des arbres et qui ne cessent d’aller en avant qu’elles ne soient parvenues à la plus haute branche, pour y montrer ce qu’elles doivent cacher. Ce qui s’est passé en France depuis 1789 jusqu’à nos jours prouve la justesse de la similitude : chaque homme, en gravissant la vie, est aussi le singe du chancelier ; on finit par exposer sans honte ses infirmités aux passants. Voilà qu’au bout de mes dépêches je suis saisi du désir de me vanter : les grands hommes qui pullulent à cette heure démontrent qu’il y a duperie à ne pas proclamer soi-même son immortalité.

Avez-vous lu dans les archives des affaires étrangères les correspondances diplomatiques relatives aux événements les plus importants à l’époque de ces correspondances ? — Non.

Du moins vous avez lu les correspondances imprimées ; vous connaissez les négociations de du Bellay, de d’Ossat, de Du Perron, du président Jeannin, les Mémoires d’État de Villeroy, les Économies royales de Sully ; vous avez lu les Mémoires du cardinal de Richelieu, nombre de lettres de Mazarin, les pièces et les