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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vous serai donc infiniment obligé de m’instruire le plus tôt possible de la décision du roi.

« Pour ce qui me regarde, monsieur le comte, lorsque vous avez bien voulu m’allouer un secours de trente mille francs, vous avez supposé qu’aucun cardinal ne logerait chez moi : or, M. de Clermont-Tonnerre s’y est établi avec sa suite, composée de deux conclavistes, d’un secrétaire ecclésiastique, d’un secrétaire laïque, d’un valet de chambre, de deux domestiques et d’un cuisinier français, enfin d’un maître de chambre romain, d’un maître de cérémonies, de trois valets de pied, d’un cocher, et de toute cette maison italienne qu’un cardinal est obligé d’avoir ici. M. l’archevêque de Toulouse, qui ne peut marcher[1], ne dîne point à ma table ; il faut deux ou trois services à différentes heures, des voitures et des chevaux pour les commensaux et les amis. Mon respectable hôte ne payera certainement pas sa dépense ici : il partira, et les mémoires me resteront ; il me faudra acquitter non-seulement ceux du cuisinier, de la blanchisseuse, du loueur de carrosses, etc., etc., mais encore ceux des deux chirurgiens qui visitent la jambe de Monseigneur, du cordonnier qui fait ses mules blanches et pour-

  1. « Le cardinal de Clermont-Tonnerre, dit M. de Marcellus (Chateaubriand et son temps, p. 358), parti de Toulouse trop tard pour arriver à l’ouverture du conclave, vint me voir à Lucques pour en avoir des nouvelles, et pour se rendre à Rome par la voie la plus courte, en évitant Florence. Je lui signalai la route de traverse peu suivie qui longeait le lac de Biguglia ; il la prit sans hésiter. Tout alla bien jusqu’au passage de l’Arno ; mais là, en mettant pied à terre, M. de Clermont-Tonnerre se foula un nerf. Cet accident le retint plusieurs jours à Sienne et ne lui permit d’entrer au conclave que le dernier des cardinaux français. »