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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dera de Rome ou d’ailleurs. Il est malheureusement trop vrai que le gouvernement des Deux-Siciles est tombé au dernier degré du mépris. La manière dont la cour vit au milieu de ses gardes, toujours tremblante, toujours poursuivie par les fantômes de la peur, n’offrant pour tout spectacle que des chasses ruineuses et des gibets, contribue de plus en plus dans ce pays à avilir la royauté. Mais on prend pour des conspirations ce qui n’est que le malaise de tous, le produit du siècle, la lutte de l’ancienne société avec la nouvelle, le combat de la décrépitude des vieilles institutions contre l’énergie des jeunes générations ; enfin, la comparaison que chacun fait de ce qui est à ce qui pourrait être. Ne nous le dissimulons pas : le grand spectacle de la France puissante, libre et heureuse, ce grand spectacle qui frappe les yeux des nations restées ou retombées sous le joug, excite des regrets ou nourrit des espérances. Le mélange des gouvernements représentatifs et des monarchies absolues ne saurait durer ; il faut que les unes ou les autres périssent, que la politique reprenne un égal niveau, ainsi que du temps de l’Europe gothique. La douane d’une frontière ne peut désormais séparer la liberté de l’esclavage ; un homme ne peut plus être pendu de ce côté-ci d’un ruisseau pour des principes réputés sacrés de l’autre côté de ce même ruisseau. C’est dans ce sens, monsieur le comte, et uniquement dans ce sens, qu’il y a conspiration en Italie ; c’est dans ce sens encore que l’Italie est française. Le jour où elle entrera en jouissance des droits que son intelligence aperçoit et que la marche progres-