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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« 3 avril.

« J’oubliais de vous dire que le cardinal Fesch s’étant très bien conduit dans le conclave, et ayant voté avec nos cardinaux, j’ai franchi le pas et je l’ai invité à dîner. Il a refusé par un billet plein de mesure.[1] »

DÉPÊCHE À M. LE COMTE PORTALIS.
« Rome, ce 2 avril 1829.
« Monsieur le comte,

« Le cardinal Albani a été nommé secrétaire d’État, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le mander dans ma première lettre portée à Lyon par le courrier à cheval expédié le 31 mars au soir. Le nouveau ministre ne plaît ni à la faction sarde, ni à la majorité du Sacré Collège, ni même à l’Autriche, parce qu’il est violent, antijésuite, rude dans son abord, et Italien avant tout. Riche et excessivement avare, le cardinal Albani se trouve mêlé dans toutes sortes d’entreprises et de spéculations. J’allai hier lui faire ma première visite ; aussitôt qu’il m’aperçut, il s’écria : « Je suis un cochon ! (Il était

  1. Chateaubriand répondit en ces termes au cardinal Fesch :
    « J’aurais voulu, Monsieur le cardinal, répondre plutôt au billet que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Il augmente infiniment mes regrets et ceux de Mme de Chateaubriand. Espérons que le temps viendra où tous les obstacles seront levés. Grâce à la magnanimité de son roi, la France est assez forte désormais pour braver des souvenirs : la liberté doit vivre en paix avec la gloire.
    « Je prie Votre Éminence de croire à mon dévouement, et d’agréer l’assurance de ma haute considération. »