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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

phages vides ; j’en pourrai choisir un pour moi, sans que ma poussière soit obligée de chasser celle de ces vieux morts que le vent a déjà emportée. Les sépulcres dépeuplés offrent le spectacle d’une résurrection et pourtant ils n’attendent qu’une mort plus profonde. Ce n’est pas la vie, c’est le néant qui a rendu ces tombes désertes.

« Pour achever mon petit journal du moment, je vous dirai que je suis monté avant-hier à la boule de Saint-Pierre pendant une tempête. Vous ne sauriez vous figurer ce que c’était que le bruit du vent au milieu du ciel, autour de cette coupole de Michel-Ange, et au-dessus de ce temple des chrétiens, qui écrase la vieille Rome. »

« 31 mars, au soir.

« Victoire ! j’ai un des papes que j’avais mis sur ma liste : c’est Castiglioni, le cardinal même que je portais à la papauté en 1823, lorsque j’étais ministre, celui qui m’a répondu dernièrement au conclave en me donnant force louanges. Castiglioni est modéré et dévoué à la France : c’est un triomphe complet. Le conclave, avant de se séparer, a ordonné d’écrire au nonce à Paris, pour lui dire d’exprimer au roi la satisfaction que le Sacré Collège a éprouvée de ma conduite. J’ai déjà expédié cette nouvelle à Paris par le télégraphe. Le préfet du Rhône est l’intermédiaire de cette correspondance aérienne, et ce préfet est M. de Brosses, fils de ce comte de Brosses, le léger voyageur à Rome, souvent cité dans les notes que je rassemble en vous