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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

que le monde n’est occupé que de cette idée. Et pourtant, à Paris, qui pense au conclave, qui s’occupe d’un pape et de mes tribulations ? La légèreté française, les intérêts du moment, les discussions des Chambres, les ambitions émues, ont bien autre chose à faire. Lorsque le duc de Laval m’écrivait aussi ses soucis sur son conclave, tout préoccupé de la guerre d’Espagne que j’étais, je disais en recevant ses dépêches : Eh ! bon Dieu, il s’agit bien de cela ! M. Portalis doit aujourd’hui me faire subir la peine du talion. Il est vrai de dire cependant que les choses à cette époque n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui : les idées religieuses n’étaient pas mêlées aux idées politiques comme elles le sont dans toute l’Europe ; la querelle n’était pas là ; la nomination d’un pape ne pouvait pas, comme à cette heure, troubler ou calmer les États.

« Depuis la lettre qui m’annonçait la prolongation du congé de M. de La Ferronnays et son départ pour Rome, je n’ai rien appris : je crois pourtant cette nouvelle vraie.

« M. Thierry m’a écrit d’Hyères une lettre touchante ; il dit qu’il se meurt, et pourtant il veut une place à l’Académie des inscriptions et me demande d’écrire pour lui. Je vais le faire. Ma fouille continue à me donner des sarcophages ; la mort ne peut fournir que ce qu’elle a. Le monument du Poussin avance. Il sera noble et grand. Vous ne sauriez croire combien le tableau des Bergers d’Arcadie était fait pour un bas-relief et convient à la sculpture[1]. »

  1. Le sculpteur Desprez venait d’achever, pour le tombeau du