Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

aujourd’hui se mêler à la politique, et jamais l’élection du chef de l’Église ne pouvait tomber plus mal à propos.

« J’ai l’honneur, etc. »

À MADAME RÉCAMIER.
« Rome, 17 mars 1829.

« Le roi de Bavière[1] est venu me voir en frac. Nous avons parlé de vous. Ce souverain grec, en portant une couronne, semble savoir ce qu’il a sur la tête, et comprendre qu’on ne cloue pas le temps au passé. Il dîne chez moi jeudi et ne veut personne.

« Au reste, nous voilà au milieu de grands événements : un pape à faire ; que sera-t-il ? L’émancipation des catholiques passera-t-elle ? Une nouvelle campagne en Orient ; de quel côté sera la victoire ? Profiterons-nous de cette position ? Qui conduira nos affaires ? y a-t-il une tête capable d’apercevoir tout ce qui se trouve là-dedans pour la France et d’en profiter selon les événements ? Je suis persuadé

  1. Louis Ier (Charles-Auguste), roi de Bavière, né à Strasbourg en 1786. Monté sur le trône le 12 octobre 1825, il se montra un ardent philhellène, ce dont Chateaubriand lui savait très grand gré. Un voyage qu’il fit en Italie, de 1804 à 1805, lui inspira pour les arts une passion qui ne le quitta plus ; il attira dans sa capitale les plus grands artistes de l’Allemagne et il ne négligea rien pour faire de Munich l’Athènes moderne. Malheureusement, il y introduisit un jour Aspasie sous les traits de Lola Montès, une danseuse dont il fit une comtesse de Lansfeld et qui devint un moment la souveraine absolue de la Bavière. Louis Ier, obligé de quitter ses États, au mois de février 1848, abdiqua, le 20 mars suivant, en faveur de son fils, Maximilien II. Il vécut depuis dans la retraite et mourut à Nice le 29 février 1868.