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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

défendre contre ces attaques publiques ; il est bien plus difficile d’échapper aux trames ourdies dans l’ombre.

« Les conclavistes qui accompagnent nos cardinaux m’ont paru des hommes raisonnables : le seul abbé Coudrin[1], dont vous m’avez parlé, est un de ces esprits compactes et rétrécis dans lesquels rien ne peut entrer, un de ces hommes qui se sont trompés de profession. Vous n’ignorez pas qu’il est moine, chef d’ordre, et qu’il a même des bulles d’institution : cela ne s’accorde guère avec nos lois civiles et nos institutions politiques.

« Il se pourrait faire que le pape fût élu à la fin de cette semaine. Mais si les cardinaux français manquent le premier effet de leur présence, il deviendra impossible d’assigner un terme au conclave. De nouvelles combinaisons amèneraient peut-être une nomination inattendue : on s’arrangerait, pour en

  1. L’abbé Coudrin avait accompagné à Rome comme conclaviste le cardinal-archevêque de Rouen, le prince de Croy, dont il était, depuis 1826, le premier vicaire général. Chateaubriand, qui n’a fait que l’entrevoir, s’est trompé dans le jugement qu’il a porté sur lui. Bien loin d’être un « esprit rétréci », l’abbé Coudrin possédait les hautes et rares qualités qui font les chefs d’ordres. Son intelligence égalait sa vertu. À l’époque où la Révolution venait d’anéantir les anciens ordres religieux, il lui a été donné de fonder une Congrégation, que Chateaubriand sans nul doute a mal connue et qui est aujourd’hui répandue dans le monde entier, la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie et de l’Association perpétuelle du Très Saint Sacrement de l’Autel (dite de Picpus). L’abbé Pierre Coudrin (en religion le P. Marie-Joseph) était né le 1er mars 1768 ; il est mort le 27 mars 1837. Voir la Vie du T. R. P. Marie-Joseph Coudrin, par un Père de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie.