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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

aux cardinaux della Marmora[1] et Pedicini, forme ce qu’on appelle ici la faction de Sardaigne. Les autres cardinaux effrayés veulent porter tous leurs suffrages sur Oppizzoni, homme ferme et modéré à la fois. Quoique Autrichien, c’est-à-dire Milanais, il a tenu tête à l’Autriche à Bologne. Ce serait un excellent choix. Les voix des cardinaux français pourraient, en se fixant sur l’un ou sur l’autre candidat, décider l’élection. À tort ou à raison, on croit ces cardinaux ennemis du système actuel du gouvernement du roi, et la faction de Sardaigne compte sur eux.

« J’ai l’honneur, etc[2]. »

  1. Teresio Ferrero della Marmora, né à Turin le 15 octobre 1757, mort le 30 décembre 1831. Créé cardinal le 27 septembre 1824.
  2. De la même plume avec laquelle il venait d’écrire cette dépêche à son ministre, Chateaubriand, ce même jour 3 mars, écrivait à son ami M. de Marcellus, ministre plénipotentiaire à Lucques, cette autre lettre, qui n’est pas précisément en style de chancellerie :
    « À M. de Marcellus, à Lucques. Rome, 3 mars 1829.
    « Rien de nouveau ici. Des scrutins nuls et variés. De la pluie, du vent, des rhumatismes, et Torlonia enterré l’épée au côté, en habit noir et chapeau bordé. Voilà tout. Ce soir, chez moi, on chante à neuf heures, on soupe à dix, puis à minuit on jeûne pour les cendres de demain ; avec un peu de pénétration, vous devinerez que je vous écris le mardi-gras. Tout cela, le mardi-gras surtout, me fait dire comme Potier dans le rôle de Werther : « Mon ami, sais-tu ce que c’est que la vie ? C’est un bois où l’on s’embarrasse les jambes. » Encore si les miennes allaient à la chasse comme les vôtres ! Bonjour, voilà qui est bien peu sérieux pour un ambassadeur auprès d’un conclave. Je pleure si souvent que, quand le rire me prend par hasard, je le laisse aller.
    « Chateaubriand. »