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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

l’Avare serrait un luth de Bologne garni de toutes ses cordes ou peu s’en faut, la peau d’un lézard de trois pieds, et le lit de quatre pieds à bandes de point de Hongrie.

« On ne voit que des défunts que l’on promène habillés dans les rues ; il en passe un régulièrement sous mes fenêtres quand nous nous mettons à table pour dîner. Au surplus, tout annonce la séparation du printemps ; on commence à se disperser ; on part pour Naples ; on reviendra un moment pour la semaine sainte, et puis on se quittera pour toujours. L’année prochaine ce seront d’autres voyageurs, d’autres visages, une autre société. Il y a quelque chose de triste dans cette course sur des ruines : les Romains sont comme les débris de leur ville : le monde passe à leurs pieds. Je me figure ces personnes rentrant dans leurs familles, dans les diverses contrées de l’Europe, ces jeunes Misses retournant au milieu de leurs brouillards. Si par hasard, dans trente ans d’ici, quelqu’une d’entre elles est ramenée en Italie, qui se souviendra de l’avoir vue dans les palais dont les maîtres ne seront plus ? Saint-Pierre et le Colisée, voilà tout ce qu’elle-même reconnaîtrait. »

DÉPÊCHE À M. LE COMTE PORTALIS.
« Rome, ce 3 mars 1829.
« Monsieur le comte,

Mon premier courrier étant arrivé à Lyon le 14 du mois dernier à neuf heures du soir, vous avez