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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

À MADAME RÉCAMIER.
« Rome, lundi 23 février 1829.

« Hier ont fini les obsèques du pape. La pyramide de papier et les quatre candélabres étaient assez beaux, parce qu’ils étaient d’une proportion immense et atteignaient à la corniche de l’église. Le dernier Dies iræ était admirable. Il est composé par un homme inconnu qui appartient à la chapelle du pape, et qui me semble avoir un génie d’une tout autre espèce que Rossini. Aujourd’hui nous passons de la tristesse à la joie ; nous chantons le Veni Creator pour l’ouverture du conclave ; puis nous irons voir chaque soir si les scrutins sont brûlés, si la fumée sort d’un certain poêle : le jour où il n’y aura pas de fumée, le pape sera nommé, et j’irai vous retrouver ; voilà tout le fond de mon affaire. Le discours du roi d’Angleterre est bien insolent pour la France ! Quelle déplorable expédition que cette expédition de Morée ! commence-t-on à le sentir ? Le général Guilleminot m’a écrit une lettre à ce sujet, qui me fait rire ; il n’a pu m’écrire ainsi que parce qu’il me présumait ministre. »

« 25 février.

« La mort est ici ; Torlonia est parti hier au soir après deux jours de maladie : je l’ai vu tout peinturé sur son lit funèbre, l’épée au côté. Il prêtait sur gages ; mais quels gages ! sur des antiques, sur des tableaux renfermés pèle-mêle dans un vieux palais poudreux. Ce n’est pas là le magasin où