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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

permis d’élever un prêche en dehors de la porte du Peuple. Le gouvernement et les mœurs ne souffriraient plus de pareils scandales.

Aussitôt qu’un cardinal est prisonnier au conclave, la première chose qu’il fait, c’est de se mettre, lui et ses domestiques, à gratter durant l’obscurité les murs fraîchement maçonnés, jusqu’à ce qu’ils aient fait un petit trou pour prendre par là, durant la nuit, des ficelles au moyen desquelles les avis vont et viennent du dedans au dehors. Au surplus, le cardinal de Retz, dont l’opinion n’est pas suspecte, après avoir parlé des misères du conclave dont il fit partie, termine son récit par ces belles paroles :

« On y vécut (dans le conclave) toujours ensemble avec le même respect et la même civilité que l’on observe dans les cabinets des rois ; avec la même politesse qu’on avait dans la cour de Henri III ; avec la même familiarité que l’on voit dans les collèges ; avec la même modestie qui se remarque dans les noviciats, et avec la même charité, au moins en apparence, qui pourrait être entre des frères parfaitement unis. »

Je suis frappé, en achevant l’épitome d’une immense histoire, de la manière grave dont elle commence et de la manière presque burlesque dont elle finit : la grandeur du Fils de Dieu ouvre la scène qui, se rétrécissant par degrés au fur et à mesure que la religion catholique s’éloigne de sa source, se termine à la petitesse du fils d’Adam. On ne retrouve plus guère la hauteur primitive de la croix qu’au décès du