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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Pierre de Lune[1] le ranima, en 1394, par une intrigue du conclave à Avignon. Alexandre VI acheta, en 1492, les suffrages de vingt-deux cardinaux qui lui prostituèrent la tiare, laissant après lui les souvenirs de Lucrèce. Sixte-Quint n’eut d’intrigue dans le conclave qu’avec ses béquilles, et quand il fut pape son génie n’eut plus besoin de ces appuis. J’ai vu dans une villa de Rome un portrait de la sœur de Sixte-Quint, femme du peuple, que le terrible pontife, dans tout l’orgueil plébéien, se plut à faire peindre. « Les premières armes de notre maison, disait-il à cette sœur, sont des lambeaux (lambels). »

C’était encore le temps où quelques souverains dictaient des ordres au Sacré Collège. Philippe II faisait entrer au conclave des billets portant : Su Magestad no quiere que N. sea Papa ; quiere que N. lo tenga. Après cette époque, les intrigues des conclaves ne sont plus guère que des agitations sans résultats généraux. Du Perron et d’Ossat obtinrent néanmoins la réconciliation d’Henri IV avec le Saint-Siège, ce qui fut un grand événement. Les Ambassades de Du Perron sont fort inférieures aux Lettres de d’Ossat. Avant eux, Du Bellay avait été au moment de prévenir le schisme de Henri VIII. Ayant obtenu de ce tyran, avant sa séparation de l’Église, qu’il se soumettrait au jugement du Saint-Siège, il arriva à Rome au moment où la condamnation d’Henri VIII allait être prononcée. Il obtint un délai pour envoyer un homme de confiance en Angleterre ; les mauvais chemins retardèrent la réponse. Les partisans de Charles-Quint firent

  1. L’antipape Benoît XIII, élu par les cardinaux résidant à Avignon, après la mort de l’antipape Clément VII.