Joubert a disparu ; le château abandonné de Passy a changé de maître ; il m’a été dit : « Soyez la cigale des nuits. Esto cicada noctium. »
« Arrivé à Lausanne le 22, j’ai suivi la route par laquelle ont disparu deux autres femmes qui m’avaient voulu du bien et qui, dans l’ordre de la nature, me devaient survivre : l’une, madame la marquise de Custine, est venue mourir à Bex ; l’autre, madame la duchesse de Duras, il n’y a pas encore un an, courait au Simplon, fuyant devant la mort qui l’atteignit à Nice[1].
Noble Clara, digne et constante amie,
Ton souvenir ne vit plus en ces lieux ;
De ce tombeau l’on détourne les yeux ;
Ton nom s’efface et le monde t’oublie !
- ↑ Mme de Duras mourut à Nice au mois de janvier 1829.
mais sur ce papier d’auberge. Je suis bien triste ici. J’ai vu en arrivant le château qu’avait habité Mme de Beaumont pendant les années de la Révolution. Le pauvre ami Joubert me montrait souvent un chemin de sable qu’on aperçoit sur une colline au milieu des bois, et par où il allait voir la voisine fugitive. Quand il me racontait cela, Mme de Beaumont n’était déjà plus, nous la regrettions ensemble. Joubert a disparu à son tour ; le château a changé de maître : toute la famille de Sérilly est dispersée. Si vous ne me restiez pas, que deviendrais-je ? Je ne veux pas vous attrister aujourd’hui, j’aime mieux finir ici ma lettre. Qu’avez-vous besoin des souvenirs d’un passé que vous n’avez pas connu ? N’avez-vous pas aussi le vôtre ? Arrangeons notre avenir, le mien est tout à vous. Mais ne vais-je pas dès à présent vous accabler de mes lettres ? J’ai peur de réparer trop bien mes anciens torts. Quand aurai-je un mot de vous ? Je voudrais bien savoir comment vous supportez l’absence… »