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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

coins de l’autel, ad cornua altaris, soit que le mot cardinal dérivât du latin cardo, pivot ou gond. Le pape Nicolas II, dans un concile tenu à Rome en 1059, fit décider que les cardinaux seuls éliraient les papes et que le clergé et le peuple ratifieraient l’élection. Cent vingt ans après, le concile de Latran[1] enleva la ratification au clergé et au peuple, et rendit l’élection valide à une majorité des deux tiers des voix dans l’assemblée des cardinaux.

Mais ce canon du concile ne fixant ni la durée ni la forme de ce collège électoral, il arriva que la discorde l’introduisit parmi les électeurs, et il n’y avait aucun moyen dans la nouvelle modification de la loi de faire cesser cette discorde. En 1268, après la mort de Clément IV, les cardinaux réunis à Viterbe ne purent s’entendre, et le Saint-Siège resta vacant pendant deux années. Le podestat et le peuple de la ville furent obligés d’enfermer les cardinaux dans leur palais, et même, dit-on, de découvrir ce palais pour forcer les électeurs à en venir à un choix. Grégoire X sortit enfin du scrutin, et, pour remédier à l’avenir à un tel abus, établit alors le conclave, CUM CLAVE, sous clef ou avec une clef ; il régla les dispositions intérieures de ce conclave à peu près de la manière qu’elles existent aujourd’hui : cellules séparées, chambre commune pour le scrutin, fenêtres extérieures murées, à l’une desquelles on vient proclamer l’élection, en démolissant les plâtres dont elle est close, etc. Le concile tenu à Lyon en 1274 confirme et améliore ces dispositions. Un article de ce règlement est pourtant tombé en désuétude : il y était dit que, si après trois jours

  1. Le troisième concile de Latran sous Alexandre III, en 1179.