Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t5.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

pareils troubles avaient éclaté pour l’élection des tribuns : des deux Gracchus, l’un fut jeté dans le Tibre, l’autre poignardé par un esclave dans un bois consacré aux Furies. La nomination du pape Damase, en 366, produisit une rixe sanglante : cent trente-sept personnes succombèrent dans la basilique Sicinienne, aujourd’hui Sainte-Marie-Majeure.

On voit saint Grégoire élu pape par le clergé, le sénat et le peuple romain. Tout chrétien pouvait parvenir à la tiare : Léon IV fut promu au souverain pontificat le 12 avril 847 pour défendre Rome contre les Sarrasins, et son ordination différée jusqu’à ce qu’il eût donné des preuves de son courage. Autant en arrivait aux autres évêques : Simplicius monta au siège de Bourges, tout laïque qu’il était. Même aujourd’hui (ce qu’en général on ignore) le choix du conclave pourrait tomber sur un laïque, fût-il marié : sa femme entrerait en religion, et lui recevrait, avec la papauté, tous les ordres.

Les empereurs grecs et latins voulurent opprimer la liberté de l’élection papale populaire ; ils l’usurpèrent quelquefois, et ils exigèrent souvent que cette élection fût au moins confirmée par eux : un capitulaire de Louis le Débonnaire rend à l’élection des évêques sa liberté primitive, qui s’accomplit selon un traité du même temps par le consentement unanime du clergé et du peuple.

Ces dangers d’une élection proclamée par les masses populaires ou dictée par les empereurs obligèrent à faire des changements à la loi. Il existait à Rome des prêtres et des diacres appelés cardinaux, soit que leur nom vint de ce qu’ils servaient aux cornes ou