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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bon. Benvenuti connaît l’Europe, et a montré de la capacité et de la modération dans divers emplois. »

Puisque le conclave va s’ouvrir, je veux tracer rapidement l’histoire de cette grande loi d’élection, qui compte déjà plus de dix-huit cents ans de durée. D’où viennent les papes ? Comment de siècle en siècle ont-ils été élus ?

Au moment où la liberté, l’égalité et la république achevaient d’expirer, vers le temps d’Auguste, naissait à Bethléem le tribun universel des peuples, le grand représentant sur la terre de l’égalité, de la liberté et de la république, le Christ, qui, après avoir planté la croix pour servir de limite à deux mondes, après s’être fait attacher à cette croix, y être mort, symbole, victime et rédempteur des souffrances humaines, transmit son pouvoir à son premier apôtre. Depuis Adam jusqu’à Jésus-Christ, c’est la société avec des esclaves, avec l’inégalité des hommes entre eux ; depuis Jésus-Christ jusqu’à nous, c’est la société avec l’égalité des hommes entre eux, l’égalité sociale de l’homme et de la femme, c’est la société sans esclaves, ou du moins sans le principe de l’esclavage. L’histoire de la société moderne commence au pied et de ce côté-ci de la croix.

Pierre, évêque de Rome, initia la papauté : tribuns-dictateurs successivement élus par le peuple, et la plupart du temps choisis parmi les classes les plus obscures du peuple, les papes tinrent leur puissance temporelle de l’ordre démocratique, de cette nouvelle société de frères qu’était venu fonder Jésus de Nazareth, ouvrier, fabricant de jougs et de charrues, né