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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

bon nombre de voix. Mais, d’un autre côté, il est pauvre et il a des parents pauvres ; Rome craindrait les besoins de cette indigence.

« Vous savez, monsieur le comte, tout le mal que le nonce Giustiniani a fait en Espagne, et je le sais plus qu’un autre par les embarras qu’il m’a causés après la délivrance du roi Ferdinand. Dans l’évêché d’Imola, que le cardinal gouverne actuellement, il n’a pas été plus modéré ; il a fait revivre les règlements de saint Louis contre les blasphémateurs : ce n’est pas le pape de notre époque. Au surplus, c’est un homme assez savant, hébraïsant, helléniste, mathématicien, mais plus propre aux travaux du cabinet qu’aux affaires. Je ne le crois pas poussé par l’Autriche.

« Après tout, la prévoyance humaine est souvent trompée ; souvent un homme change en arrivant au pouvoir ; le zelante cardinal Della Genga a été le pape conciliant Léon XII. Peut-être surgira-t-il, au milieu des quatre compétiteurs, un pape auquel personne ne pense en ce moment. Le cardinal Castiglioni[1], le cardinal Benvenuti, le cardinal Galleffi[2], le cardinal Arezzo, le cardinal Gamberini, et jusqu’au vieux et vénérable doyen du Sacré Collège, La Somaglia, malgré sa demi-enfance ou plutôt à cause d’elle, se mettent sur les rangs. Le dernier a même quelque

  1. François-Xavier Castiglioni (1761-1830). Il était, en février 1829, évêque de Frascati. C’est lui que le Conclave élira pape le 31 mars 1829. Il prit à son avènement le nom de Pie VIII et régna vingt mois seulement. Il mourut le 30 novembre 1830.
  2. Pierre-François Galleffi, né à Césène le 27 octobre 1770, mort à Rome le 18 juin 1837. Il était cardinal depuis le 12 juillet 1803.