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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

trouverait. On me semble déraisonner sur tout, et sur l’immortel Mahmoud, et sur l’évacuation de la Morée.

« Dans les chances les plus probables, cette évacuation remettra la Grèce sous le joug des Turcs, avec la perte pour nous de notre honneur et de quarante millions. Il y a prodigieusement d’esprit en France, mais on manque de tête et de bon sens : deux phrases nous enivrent, on nous mène avec des mots, et, ce qu’il y a de pis, c’est que nous sommes toujours prêts à dénigrer nos amis et à élever nos ennemis. Au reste, n’est-il pas curieux que l’on fasse tenir au roi, dans un discours, mon propre langage, sur l’accord des libertés publiques et de la royauté[1], et qu’on m’en ait tant voulu pour avoir tenu ce langage ? Et les hommes qui font parler ainsi la couronne étaient les plus chauds partisans de la censure ! Au surplus, je vais voir l’élection du chef de la chrétienté ; ce spectacle est le dernier grand spectacle auquel j’assisterai dans ma vie[2] ; il clora ma carrière.

« Maintenant que les plaisirs de Rome sont finis, les affaires commencent. Je vais être obligé d’écrire d’un côté au gouvernement tout ce qui se passe, et de l’autre de remplir les devoirs de ma position

  1. L’ouverture des Chambres avait eu lieu le 27 janvier. Le discours du trône contenait en effet cette phrase : « L’expérience a dissipé le prestige des théories insensées ; la France sait bien, comme vous, sur quelles bases son bonheur repose, et ceux même qui le chercheraient ailleurs que dans l’union sincère de l’autorité royale et des libertés que la Charte a consacrées seraient hautement désavoués par elle. »
  2. Je me trompais. (Note de 1837.) Ch.