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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Cette Rome, au milieu de laquelle je suis, devrait m’apprendre à mépriser la politique. Ici la liberté et la tyrannie ont également péri ; je vois les ruines confondues de la République romaine et de l’empire de Tibère ; qu’est-ce aujourd’hui que tout cela dans la même poussière ! Le capucin qui balaye en passant cette poussière avec sa robe ne semble-t-il pas rendre plus sensible encore la vanité de tant de vanités ? Cependant je reviens malgré moi aux destinées de ma pauvre patrie. Je lui voudrais religion, gloire et liberté, sans songer à mon impuissance pour la parer de cette triple couronne. »

« Rome, jeudi 5 février 1829.

« Torre Vergata est un bien de moines situé à une lieue à peu près du tombeau de Néron, sur la gauche en venant de Rome, dans l’endroit le plus beau et le plus désert : là est une immense quantité de ruines à fleur de terre recouvertes d’herbe et de chardons. J’y ai commencé une fouille avant-hier mardi, en cessant de vous écrire. J’étais accompagné d’Hyacinthe et de Visconti[1] qui dirige la fouille. Il faisait le plus beau temps du monde. Une dou-

  1. Il ne s’agit ici ni du célèbre archéologue Ennius-Quirinus Visconti, qui était mort en 1818, ni de son fils, Louis Visconti, architecte de l’empereur Napoléon III, à qui l’on doit l’achèvement du Louvre, et qui en 1829 habitait la France, où son père l’avait fait naturaliser dès 1798. Le Visconti dont parle Chateaubriand est le chevalier Philippe-Aurélieu Visconti (1754-1831), frère d’Ennius-Quirinus. Il était en 1829 commissaire du musée et des antiquités de Rome et président de l’Académie des beaux-arts. On lui doit, outre le premier volume du Musée Chiaramonti, un grand nombre de notices et descriptions de fresques ou de sculptures antiques.