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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

une fille de Thorwaldsen et une autre fille de Chauvin le peintre. Elles étaient jolies incroyablement dans leurs parures de papier. Celle qui jouait le grand-prêtre avait une grande barbe noire qui la charmait, mais qui la piquait, et qu’elle était obligée d’arranger continuellement avec une petite main blanche de treize ans. Pour spectateurs, nous, quelques mères, les religieuses, madame Salvage, deux ou trois abbés et une autre vingtaine de petites pensionnaires, toutes en blanc avec des voiles. Nous avions fait apporter de l’ambassade des gâteaux et des glaces. On jouait du piano dans les entr’actes. Jugez des espérances et des joies qui ont dû précéder cette fête dans le couvent, et des souvenirs qui la suivront ! Le tout a fini par Vivat in æternum, chanté par trois religieuses dans l’église. »

« Rome, le 15 janvier 1829.

« À vous encore ! Cette nuit nous avons eu du vent et de la pluie comme en France : je me figurais qu’ils battaient votre petite fenêtre ; je me trouvais transporté dans votre petite chambre, je voyais votre harpe, votre piano, vos oiseaux ; vous me jouiez mon air favori ou celui de Shakespeare ; et j’étais à Rome, loin de vous ! Quatre cents lieues et les Alpes nous séparaient !

« J’ai reçu une lettre de cette dame spirituelle qui venait quelquefois me voir au ministère ; jugez comme elle me fait bien la cour : elle est turque enragée ; Mahmoud est un grand homme qui a devancé sa nation !